mercredi 21 mai 2014

Écrivains morts et vivants

Il fait encore beau le matin mais on attend de la pluie. Nous partons pour le cimetière du Père Lachaise.

On se promène au milieu des tombes. Il y en a de toutes sortes. C'est si différent les cimetières des autres pays, j'y jette toujours un œil. (Je me souviens de la tombe de Brassens à Sète que nous avions cherchée ma sœur et moi en 1996). Au Père Lachaise c'est immense, il faut suivre un plan, et encore là on s'y perd. Il y a plein de gens célèbres, qui dans la mort sont aussi tranquilles que les autres.

Mais ils ont laissé leur trace.

 

Y dorment en paix (bien qu'il ait beaucoup de visiteurs) tellement d'écrivains célèbres! Plusieurs me ramènent à mes études classiques et à notre chère madame Blanchard, une française éloquente éprise de littérature, décédée très jeune.

Alphonse Daudet

Honoré de Balzac

Jean de Lafontaine

Colette qui nous parlait si bien de ses chats.

 

Alfred De Musset:

"Mes chers amis, quand je mourrai

Plantez un saule au cimetière

J'aime son feuillage éploré

La pâleur m'en est douce et chère

Et son ombre sera légère

À la terre où je dormirai."

Le saule était là, mais il nous paraissait bien jeune. Peut-être durent-ils moins longtemps que les gisants qu'ils abritent.

 

Des acteurs:

Simone Signoret et Yves Montant. Ceux-là se rapprochent de nous. On les a vu vivre au cinéma, jeunes, il n'y a pas bien longtemps.

 

Pissaro, le peintre.

Aussi, Caillebotte et Corot, pour ne nommer que ceux-là.

 

Ici, Molière et Jean de Lafontaine, sur le même lot entouré d'une petite clôture. Deux sortes de tombeaux surélevés qui me laissent perplexe.

- Tu crois qu'ils sont dans ces tombes de ciment ou ils sont sous terre?

- Ben voyons, mon timenou, ce ne sont pas des Hells Angels, ils ne les ont pas coulés dans le béton! Dit Jean qui a réponse à tout.

Je ris, n'empêche j'ai un doute. On aurait dû prendre un guide.

On continue nos errances. C'est intéressant mais le ciel menace. On reçoit une petite pluie de temps à autre, on ouvre nos parapluies et on se réfugie sous les arbres.

Et si ça se mettait à tomber comme des cordes??? Que ferions-nous?

 

Il y aurait certainement moyen de trouver un refuge. Vous remarquerez que Jean a tout de même l'attitude de respect qui s'impose.

Mais certains sont moins attirants que d'autres. On peut-être sont-ils habités par des fantômes?

Le monument aux morts est dressé au milieu de tout ça. Ils n'ont jamais l'air de s'amuser beaucoup, les âmes après leur décès. Un passage difficile on dirait. Ça me ramène à mon éducation judéo-chrétienne, le jugement et la menace de l'enfer. Ne sommes-nous pas censés aller au Paradis?

 

Vers la fin, on va saluer Héloïse et Abélard, ces deux célèbres amants du Moyen-Âge.

Abélard est un philosophe de 40 ans, célèbre et séducteur de ces dames, lorsqu'il rencontre la belle et intelligente Héloïse qui en a 17. Une grande passion charnelle unit les deux amants qui se marient discrètement et auront un enfant. L'oncle d'Héloïse décide de venger l'honneur de sa nièce et fait châtrer Abélard. Les deux époux ne renonceront jamais l'un à l'autre. À dater de cette époque commence une magnifique correspondance en latin, mélange d'amour et de piété. C'est par cette édifiante correspondance qu'ils deviendront célèbres. Héloïse, première femme philosophe, devient abbesse dans un couvent près de l'ermitage fondé par Abélard.

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Dans un mode plus léger, on note les noms pour le moins surprenants de certaines familles:

Lehideux. (Quand on sait que les noms étaient souvent basés sur la réalité, l'ancêtre ne devait pas être beau)

Putois (ne sentait pas bon)

Lecreux (pas intelligent?)

Lerendu (avait l'habitude d'être en retard?)

Poupinelle (c'est surtout à madame qu'on pense. "Viens ma Poupinelle, dit Jean")

Famille Rat et Chevet et Peigney. ("Monsieur Chevet faisait des tables", dit Jean, "sur laquelle madame pouvait poser son peigne", ajoute Michelle.)

Famille Chrétien-Delafolie et Rabourdin (un excès de religion, peut-être)

Famille Petitgrand (un nom pareil devait porter vers la schizophrénie)

Famille Maillochon (ben là...)

Caveau provisoire Groleau (ils vont déménager dit Jean, parce qu'ils en ont maintenant les moyens)

Rebour (savent-ils compter?)

Joseph Zaguedoun et son épouse (pauvre madame Zaguedoun!)

Pour finir:

À côté des grilles principales du cimetière se trouve le tombeau de la Famille Adam! Et collé dessus celle de L'Aumônier!

- Évident! "Adam" le premier homme, la première tombe. Mais Ève n'est pas mentionnée.

Et puis l'Aumônier se doit de ne jamais être bien loin quand il s'agit de la mort.

Voilà! Après avoir un peu ri, ce qui nous caractérise en vacances, nous sommes traversés dîner au Bistro du Père Lachaise juste en face. On a pris du poisson par précaution. Ça ne nous disait rien de manger quoi que ce soit avec des os. (Déjà que la poudre d'os que je respire me râpe la gorge.) C'était délicieux!

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Un petit repos et nous avons soupé à l'apart. On voulait être frais et dispos (malgré un mal de gorge qui insiste) pour l'événement littéraire de ce soir pour lequel nous avons reçu une invitation de Fabrice.

Café de la Mairie, 8 place Saint-Sulpice, dans Saint-Germain-des-Prés.

Présentation du livre de nouvelles de Fabrice Pataut "Le Cas Perenfeld".

J'ai discrètement réussi à saisir Fabrice à gauche, le présentateur Olivier Amiel au centre et le comédien lecteur Patrice Bouret à droite. (Au cas où quelques-uns seraient inattentifs à mes récits, je rappelle que Fabrice travaille dans l'appartement où nous logeons. C'est l'antre de l'écrivain en réalité.)

Mais au milieu de tout ce beau monde, qu'il était fort plaisant d'observer, je n'ai pas voulu m'illustrer en tant que touriste en prenant des clichés. Déjà que je n'étais pas aussi chic que les autres.

Nous étions franchement contents et intéressés pas l'événement. Nous avons acheté le livre en vedette ce jour-là. Mais, à l'appartement, nous en avons lu d'autres de Fabrice qui nous plaisent grandement. "Il écrit vraiment bien ce mec" comme je le disais à Martine sa femme qui a éclaté de rire. Il a gagné un prix littéraire de l'Académie Française.

La présentation de monsieur Amiel nous a semblé un peu longuette, voire confuse, mais les lectures du comédien étaient fort bien rendues. Je ne vais pas tout vous raconter, tout de même. Mais pour finir, Fabrice nous a expliqué qu'écrire une nouvelle est bien différent que d'écrire un roman. Une nouvelle n'est pas "un petit roman".

Il nous explique combien la chute de la nouvelle est importante et c'est ce qu'il trouve en premier. Quand il a une bonne chute, il se demande alors par quel chemin il pourrait bien s'y rendre. Et c'est là que l'écriture prend forme.

Passionnant hein?

Une bien belle soirée!

 

3 commentaires:

  1. Quel beau cimetière plein d'histoire! J'aime bien le quartier Belleville, rendu si vivant par Daniel Pennac.

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  2. Quand il a une bonne chute, il se demande alors par quel chemin il pourrait bien s'y rendre. Et c'est là que l'écriture prend forme.
    C'est vrai aussi pour une chanson.

    Dans nos voyages et nos errances, il nous arrive assez souvent de passer un moment dans des cimetières, même humbles. Pour les noms (Lehideux ? Vraiment ?) mais aussi pour les petits morceaux de vie. La mère morte à quarante ans après avoir perdu sept enfants en bas âge, etc. Je suppose qu'on pourrait faire des découvertes chez nous. On fait souvent en voyage des choses qu'on pourrait faire tout aussi bien chez soi mais qu'on ne fait pas. Va savoir pourquoi.

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